Beyrouth, un mois après
Depuis la double explosion qui a frappé le 4 août dernier la capitale libanaise, tuant plus de 200 personnes et en blessant plus de 3000 autres, les ONG sur place viennent en aide aux rescapés qui ont besoin de tout : eau potable, nourriture, abris, soins psychologiques ou de kinésithérapie…
Présentes depuis de nombreuses années au Liban et fortes de leurs spécialités et expertises respectives, les associations humanitaires membres d’Alliance Urgences ne ménagent pas leur peine pour aider les milliers de familles sinistrés à traverser cette épreuve. Du jour au lendemain, 300 000 personnes se sont retrouvées sans abris. Une catastrophe humanitaire d’autant plus difficile à surmonter que les Libanais.e.s connaissent depuis de nombreux mois déjà une période de forte instabilité: entre crise économique d’une ampleur inédite, pic de l’épidémie de covid19 et troubles sociaux et politiques.
Retour sur les 4 semaines qui ont suivi la catastrophe, aux côtés des habitant.e.s de Beyrouth et des équipes des ONG membres d’Alliance Urgences qui leur viennent en aide.
Les blessés
‘’Les sirènes des ambulances, c’est LE bruit qu’on entend depuis l’explosion. Ça ne s’arrête pas, témoignait Patricia Kohder, de l’ONG Care International à Beyrouth, le 20 août dernier. Parce qu’il y a encore des blessés qu’on transporte d’un hôpital à l’autre. Et aussi parce qu’il y a des blessés qui meurent encore dans les hôpitaux.’’
Et pour cause. ‘’Les gens ont des fractures, des brûlures… Beaucoup ont reçu des éclats de verre. Les extrémités, doigts de pieds doigts de main ont été fortement touchés avec de potentielles amputations, observent dans les premières heures les équipes de Handicap International.’’ Leur rôle : appuyer celles et ceux qui ont besoin d’aide à la mobilité (chaises roulantes, cannes) suites aux chocs qu’ils ont reçus au moment de l’explosion, mais aussi des personnes qui ont besoin de réadaptation physique et fonctionnelle après une opération ou une amputation.
A cette heure, l’ONG a dispensé 500 séances de soins psychosociaux, 60 séances de réadaptation et distribué plus de 100 kits de premiers soins pour les plaies (pansements, mercurochrome, etc.) permettant aux blessés de se soigner à domicile, ainsi que 40 aides à la mobilité (déambulateurs, béquilles…) aux personnes qui en avaient le plus besoin.
‘’Le plus grand défi que l’on rencontre aujourd’hui, c’est de retrouver les personnes blessées qui ont été déchargées très rapidement des structures de santé, des cliniques et des hôpitaux, explique Jémémy Mouton, responsable des projets d’urgence de Handicap International. C’est très difficile de trouver où elles sont. Est-ce qu’elles sont retournées chez elles, dans des bâtiments détruits, délabrés? Ou est-ce qu’elles ont été déplacées dans d’autres zones de la ville ?’’
Pour porter secours à celles et ceux qui en ont le plus besoin, pas d’autre solution que de faire du porte à porte, à l’image de l’action menée par les équipes de Médecins du Monde. Membre elle aussi d’Alliance Urgences, l’association humanitaire dispense des soins de santé mentale aux personnes, très nombreuses qui ont été traumatisées par la violence des explosions.
Les blessures qu’on ne voit pas
Au moment de l’explosion, Rim, 49 ans, rencontrée par les équipes de SOlidarités International, se trouvait dans son cabinet médical, situé dans son appartement. Profondément choquée par le paysage qu’elle a découvert après l’explosion, elle indique que les destructions sont plus impressionnantes que celles de la guerre civile. « Je suis médecin, je dois rester forte. Mais la nuit, je me réveille en pleurs. D’habitude, c’est mon métier d’aider les gens. Aujourd’hui, j’en suis incapable’’.
Une mère de trois enfants habitant à 400 mètres du port abonde. ‘’On a beaucoup de mal à dormir, on est hyperactifs depuis l’explosion. Le plus jeune Jeff, 5 ans, est vraiment traumatisé. Ma fille de 15 ans refuse de revenir à la maison, dans laquelle on a perdu toutes les chambres, les fenêtres, les portes, les vitres… C’est dur pour une maman.’’
‘’De très nombreux enfants vivent désormais avec la peur au ventre. Certains n’arrivent plus à dormir, font pipi au lit. D’autres craignent d’aller dehors et de croiser des blessés, témoigne Noelle Jouane, responsable de l’équipe de Médecins du Monde. » Dans un des questiers les plus détruit de la ville, travailleurs sociaux, psychologues et infirmières de l’ONG médicale rencontrent les familles une à une.
En tout, quelque 100 000 enfants ont été directement touchés par l’explosion du 4 août. Un chiffre inquiétant révélé par l’ONG Plan international, sous lequel se cache de multiples situations traumatisantes pour les enfants, qu’ils soient blessés ou non.
‘’Ils souffrent d’anxiété, ne parviennent plus à dormir, à manger, à sortir de leur maison ou à retourner là où ils étaient lors de l’explosion. D’autres ne parlent plus ou ont des comportements agressifs, que leurs parents n’avaient jamais vus auparavant, détaille Elissa Alhassrouny, spécialiste de la protection de l’enfance chez Plan. »
L’ONG membre d’Alliance Urgences s’inquiète également de la sécurité des filles et des jeunes femmes : ‘’Nous avons constaté que parce que leurs proches sont hospitalisés, nombre d’enfants et d’adolescentes dorment parfois seules dans des maisons dont les portes ont été soufflées. Si leur logement a été détruit, elles se retrouvent dans des lieux bondés, surpeuplés. Nous redoutons que ces situations les rendent vulnérables aux violences ou exploitations sexuelles.’’
Les besoins vitaux : boire, manger, s’abriter
Dans les premières heures suivant la catastrophe, les ONG membres d’Alliance Urgence ont contribué, à l’image de Plan, aux opérations de secours et de déblaiement. Avec Care et Solidarités International, les équipes humanitaires de nos membres ont également procédé à la distribution de colis alimentaires, de kits hygiène et de kits abris.
En effet, comme le rappelle Action contre la faim, l’explosion du 4 août a détruit une partie des réseaux et des infrastructures et a interrompu la fourniture de services de base. ‘’En conséquence, de nombreuses familles sont dépendantes de la distribution d’eau potable, de kits d’hygiène et de produits de désinfection alors que les travaux de nettoyage, d’enlèvement des débris et de réhabilitation des réseaux et connexions d’eau et d’assainissement se poursuivent. »
‘’Notre priorité en ce moment est d’accélérer le rétablissement de l’accès aux services de base, de faciliter le retour des personnes déplacées dans leurs foyers dans la dignité et la sécurité, et d’être prêts à soutenir les hôpitaux, les centres de soins primaires et les cliniques mobiles, ainsi qu’à fournir des biens essentiels à ceux qui ont été les plus touchés par l’incident, déclare Beatriz Navarro, directrice d’Action contre la Faim au Liban. Afin d’atténuer les effets de l’urgence, nous sommes très attentifs à accélérer et à soutenir tous les efforts de coordination humanitaire entre les organisations, agences et acteurs locaux et internationaux impliqués dans la réponse.’’
Conséquence directe de l’explosion, des dizaines de milliers de familles n’ont d’autre choix que de vivre dans des bâtiments endommagés ou de partager des abris, avec un accès plus que limité à l’eau et à l’assainissement, augmentant les risques de propagation du virus.
Ainsi, les équipes de Solidarités International se concentrent sur des actions de réaménagement et de réhabilitation légère d’appartements endommagés par l’explosion dans le centre-ville, tout en veillant à ce que les habitants aient accès à une eau de qualité, à l’hygiène et à l’assainissement. Des interventions menées dans le respect des règles sanitaires liées à la crise du Covid-19, d’autant que ‘’les hôpitaux sont bondés et ont besoin d’un approvisionnement en matériel médical, ainsi que d’une amélioration de leur système d’approvisionnement en eau et de gestion des déchets. »
Distribution de vivres, de kits hygiène, de kits abris, de kits mobilité, accès aux soins, à l’eau, à l’assainissement, aux soins… À Beyrouth, ville dévastée, les équipes de nos membres poursuivent sans relâche leurs efforts sur le terrain.
Un mois après le choc, les familles sinistrées, -blessées, traumatisées, désœuvrées- ont plus que jamais besoin de notre solidarité… et d’unité face à l’urgence.
Alliance Urgences – Unis Face A l’Urgence
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